Conversations entre adultes by Yanis Varoufakis

Conversations entre adultes by Yanis Varoufakis

Auteur:Yanis Varoufakis [Varoufakis, Yanis]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions Les Liens qui libèrent
Publié: 2017-09-29T04:00:00+00:00


FUMÉE BLANCHE : L’ACCORD DU 20 FÉVRIER

L’Eurogroupe du 20 février 2015 – huit jours avant la fermeture programmée des banques – est celui dont je garde le moins mauvais souvenir. Ce fut un summum d’ambiguïté qui m’a confirmé le pouvoir de la chancelière allemande : Angela Merkel avait arraché les commandes de l’Eurogroupe, même si ce n’était que temporaire, à celui qui était censé les avoir, son ministre des Finances. Avant la réunion, Emmanuel Macron m’avait prévenu par sms qu’il avait déjeuné avec elle et plaidé pour qu’on arrive à un accord acceptable des deux côtés. Par ailleurs, on m’avait signalé qu’elle avait donné des instructions directes à Dijsselbloem pour qu’il mette fin à la saga grecque en approuvant le communiqué.

À chaque Eurogroupe, une fois la parole donnée aux ministres, c’était le même rituel. D’abord, les Européens de l’Est, soit les cheerleaders du ministre des Finances allemand, plus schäublistes que Schäuble, se crêpaient le chignon entre eux. Ensuite, les ministres de pays renfloués tels que l’Irlande, l’Espagne, le Portugal et Chypre – les prisonniers modèles de Schäuble – mettaient leur grain de sel. Pour clore le tout, Wolfgang ajoutait deux ou trois touches à cette comédie dont il tirait les ficelles.

Hélas pour lui, le 20 février, rien ne s’est passé comme prévu. Libéré de l’emprise de Schäuble par la chancelière, Jeroen a lu le brouillon du communiqué avant de me donner la parole pour que je l’approuve. Avec plaisir, dis-je, car c’était un grand moment pour l’histoire de l’Europe : les dirigeants venaient de montrer que la démocratie n’était pas un luxe que l’on offre aux créanciers et que l’on refuse aux débiteurs. La logique du terrain d’entente et des efforts partagés avait prévalu sur le dogme coupé de la réalité économique.

Après mon intervention, Jeroen a ouvert la discussion aux autres. Aucune plaque nominative n’a été renversée. Je dis bien : aucune ! Les cheerleaders ne bronchaient pas, plongés dans un silence embarrassé. Craignant Schäuble, ils n’osaient approuver le communiqué, mais ne risquaient pas un mot contre puisqu’il avait le soutien d’Angela Merkel. L’approbation de Christine Lagarde et de Mario Draghi, bien que peu enthousiaste, ne leur facilitait pas les choses. Comme il fallait s’y attendre, Wolfgang était outré et intervenait sans cesse pour exiger que le communiqué confirme l’engagement de la Grèce vis-à-vis du MoU et du plan existant, le seul légitime. Jeroen ne cillait pas.

Chaque fois qu’il prenait la parole, Wolfgang avait la voix qui montait d’un ton et le niveau de raisonnement qui baissait d’un cran. J’ai arrêté de compter le nombre de ses interventions – une vingtaine en tout, je pense –, mais les seuls ministres qui le soutenaient étaient le portugais, qui a pris deux fois la parole, et mon voisin, Luis de Guindos, qui l’a prise plus de dix fois – son gouvernement devait avoir peur que le succès de Syriza ne galvanise Podemos avant les élections imminentes en Espagne.

Réduit au rôle de témoin de la tension qui régnait entre une Merkel absente et un Schäuble omniprésent, j’avais le temps de communiquer avec mes petits camarades.



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